top of page

Jamais seul

Il y a de ces collègues* que vous n’aimez pas croiser dans les couloirs car il va vous parler d’un livre d’une manière beaucoup trop enthousiaste pour que vous ne puissiez faire autrement que d’acheter ce livre. Ce livre s’ajoute à la liste de lecture déjà longue. Et, fatalement, ce livre devient LE livre que vous allez lire en premier.



“Jamais seul” en est le titre. Marc-André Sélosse en est l’auteur. Marc-André Sélosse est biologiste, professeur à et conservateur du Musée des Sciences Naturelles de Varsovie. Si j’ose résumer ses compétences, il est spécialisé dans les symbioses et en particulier, au niveau microbiologie: les microbes. En cette période hivernale, on ne les aime pas. On les évite. On essaie d’en tuer le maximum à l’aide d’armes chimiques anti-bactériennes plus ou moins efficace. Comme Sélosse le démontre dans l’introduction, le livre va élever le niveau de sympathie envers ce monde invisible mais ô combien passionnant et ô combien nécessaire et pour tout dire…inséparable de nos vie.

Pour réussir ce tour de force, Sélosse utilise des armes redoutables: l’exemple, l’anecdote qui a ou aurait pu bouleverser la vie, et l’humour. Pour les téléphages des années 80, le style rappelle un peu celui de Jean-Marie Pelt (biologiste, premier écologiste) dans la série ‘l’aventure des plantes’ ** qui passait sur TF1 du tout où la chaîne appartenait encore aux français. Ici, les aventures des plantes, des bactéries, des champignons, des fourmis, des Humains sont contées. Ces aventures se sont des stratégies de survie patiemment sculptées et endurcies par les lois de l’évolution. Il y a une leçon très forte que l’on peut lire dans le livre “Jamais seul”: Quand le milieu est riche en nourriture, la concurrence féroce est de mise. Par contre, dans les milieux plus pauvres, c’est la solidarité et la symbiose qui s’impose.


Sélosse commence par nous démontrer que sans champignon, pas d’arbre. Les micro-organismes mâchent le travail et transforme le sol en nourriture plus facilement assimilable par l’arbre. Le rapport est si intime que les cellules des racines permettent dans certain cas, une invasion du champignon. Cette intimité a poussé parfois à ne pas pouvoir discerner la racine et le champignon. Ce compagnonnage coûte beaucoup de ressources à l’arbre. Parasitage-symbiose qui profite le plus de l’autre?


En guise de séduction, voici le résumé d’une des nombreuses histoires que l’on peut trouver dans le livre. Il y est question d’un ménage à 3, ou la fable de l’érable, du et du. Ce dernier bourgeonne en premier à la sortie de l’hiver, il nourrit un peu le champignon qui transfert la nourriture à l’érable et l’aide dans son réveil. Ensuite, … perd ses feuilles en premier. Là, c’est l’érable qui le nourrit. Le livre est rempli d’histoires comme celle-là.


Ces rapports entre êtres vivants sont assez déconcertants. Allant d’exemples en exemples, on en arrive à l’être humain et à ses rapports digestifs avec son macrobiote. On savait déjà que tous les 15 ans, toutes nos cellules sont nouvelles (nous ne sommes qu’un arrangement de l’information en définitive, la vie est un software) maintenant, grâce à ce livre, on se rend compte que nos cellules sont en minorité dans notre corps. Les microbes sont là et heureusement. D’ailleurs sans eux, pas de choucroute, pas de fromages, pas de vin, pas de bière.

En plus de tous ces faits scientifiquement prouvés, l’auteur prend de la hauteur. Qui sommes-nous? Est-ce que l’écosystème est vraiment un équilibre? Le “tout-est-dans-l’adn” d’un individu en prend pour son grade vu que la cellule confie souvent à l’extérieur des sous tâches nécessaires à leur survie. Les frontières se font floues et là réside toute la beauté de la chose. Au total, nous (mes bactéries et moi) nous sommes régalés.

*Il s’appelle Eric.

**Les épisodes peuvent se trouver sur Youtube sans doute dans l’illégalité la plus complète. Je suis absolument fan de cette série et le générique est une de mes madeleines de Proust auditives.

https://youtu.be/LmchP69AjPM de Jean-Marie Pelt (à lire aussi) et Jean-Pierre Cuny

bottom of page